Accueil - À propos - Liens - Plan du dossier - Exposition virtuelle
Lien vers le site Lectura (nouvelle fenêtre)

1- Comment définir les Phrères simplistes ? Quels furent les maîtres avoués, les valeurs proposées, les refus énoncés, les expérimentations du groupe ?

Retour aux questions
Réponse suivante »

Illustration

« Nous étions entre 1920 et 1925, dans un lycée de province, quatre garçons fort pauvres, mais ne se croyant pas tels, et avec quelque raison, puisque nos pères pratiquaient des professions « libérales » et nos mères disaient « mon ami » au plombier venu réparer la conduite d’eau… » écrit Roger Vailland dans Le Regard froid. « Les grosses voitures, les femmes à fourrures, le baccara, le whisky sous la véranda des grands hôtels, le pouvoir sur les hommes, tout ce qui nous paraissait délectable nous était interdit. Mais les voies de l’Esprit nous restaient ouvertes, qui nous permettaient de nous égaler aux plus riches, aux plus puissants, de les surpasser… Nos parents ne nous donnaient pas assez d’argent de poche pour que nous puissions emmener à l’hôtel la vendeuse des Grandes Galeries. Tant pis, nous allions devenir Dieu. »

En 1920, Vailland a treize ans. Il rencontre Roger Gilbert-Lecomte et Robert Meyrat au Lycée de Reims, en classe de 4ème A. Ces élèves brillants sont unis par l’amour de la littérature et de la poésie et le mépris pour leurs condisciples, qu’ils jugent puérils. À la fin de l’automne 1921, ils fondent Apollo, une revue littéraire interne au lycée, écrite à la main pour ses six premiers numéros, puis lithographiée grâce à l’aide de leur professeur de français Monsieur Mathieu.

En octobre 1922, le jeune René Daumal fait son entrée au lycée. Passionné d’ésotérisme, il vient de Charleville, la ville de Rimbaud, et ses poèmes font l’admiration de ses aînés. Ils forment bientôt à eux quatre la société secrète des Phrères simplistes. « Nous sommes des enfants, et comme les petits enfants, simples et ignorants, nous possédons la vraie connaissance ». Leur but, c’est le programme d’Arthur Rimbaud : chercher « l’immense dérèglement raisonné de tous les sens », changer la vie. À côté de la kola, de la caféine et de la strychnine familières aux trois autres, Daumal introduit le tétrachlorure de carbone. S’y ajoutent bientôt l’opium, encore occasionnel, et surtout l’alcool. Les Anges visionnaires s’essaient à l’écriture automatique, à l’acte gratuit, à la roulette russe. Ils déclarent la guerre à la famille, à la grisaille petite-bourgeoise, aux valeurs de la culture et de l’art officiels. Au début de l’année 1925, un jeune provocateur, Pierre Minet, rejoint le groupe. Et les Simplistes découvrent chez leur libraire favori la revue La Révolution surréaliste : il y a donc des gens à Paris qui pensent et agissent comme eux !