(…) "Telle est bien l'œuvre de Marc Pessin, puisque c'est d'elle enfin qu'il s'agit, l'œuvre d'un graveur aux multiples visages dont la notoriété, à partir d'un petit coin de Chartreuse devenu centre d'un immense cercle, a su se répandre depuis longtemps pour le bonheur de quelques uns. Une œuvre qui de mille façons recourt à des signes et de mille façons nous fait signe, toujours se renouvelant dans tous ses champs d'application. Et pourtant ses gravures les plus récentes, gravures de grande taille relevant de techniques très contemporaines
, comme ses autres gravures plus proches de la main qui tenait le burin, plus repliées sur elles-mêmes aussi, nous forcent pareillement à aller au-devant d'un autre monde, au cœur de celui-ci un monde plus ténu mais plus vaste, plus fragile sans doute, mais pleinement nouveau surtout et par là combien plus inquiétant. Nous disent-elles autre chose, les unes et les autres, que, sans se détourner du monde mais en creusant seulement celui-ci, se laisse découvrir ce que l'on n'aurait jamais soupçonné d'abord ?
Travail de longue patience, sans doute, travail de solitaire que celui-ci. Et pourtant le graveur ne rejoint-il pas, dans sa création même – les titres de certaines de ses œuvres le soulignent assez-, d'autres chercheurs qui ne se veulent pas artistes mais seulement explorateurs du monde connu et quêteurs d'inconnu ? Si Marc Pessin suit ainsi parfois des voies parallèles à celles d'hommes de science dont il n'ignore point les travaux mais pour en faire tout autre usage, que dire alors lorsqu'il se propose non pas d'illustrer mais bien d'accompagner les œuvres d'écrivains, le plus souvent des poètes, devenus compagnons d'aventure ? Impossible, sans doute de les citer tous, quand ce sont plusieurs centaines d'ouvrages auxquels il a contribué par ses gravures ou du moins par les éditions qu'il en a faites sous le label "Le Verbe et l'Empreinte" – à lui seul tout un programme. Retenons du moins, parmi tant d'autres, les œuvres d'Adonis
, de Miguel Angel Asturias, de Borges
, Marie-Claire Bancquart et d'Alain Bosquet
, de Jean Burgos
,de Michel Butor, de Jean-Pierre Chambon
, et d'Andrée Chedid
, de François Cheng
, et de Georges-Emmanuel Clancier, de Pierre Dhainaut et de Charles Dobzynski, de Paul Eluard et de Pierre Emmanuel, de Jean Follain, d'Yvan Goll, d'Eugène Guillevic
, d'André Laude et de Pierre Péju
de Jean-Claude Renard et de Léopold Sedar Senghor, de Marguerite Yourcenar – magnifique moisson. De plus ce ne sont pas seulement des gravures, et combien précieuses, qui escortent et prolongent en de rares ouvrages de bibliophilie les textes qu'il a retenus pour cela seulement qu'il s'y retrouvait de quelque façon ; ce sont aussi bien souvent des reliures devenues à elles seules œuvres d'art, des reliures qui sont bien plus que de simples ornements, habits d'apparat pour l'œuvre qu'elles enserrent, quand elles viennent dire déjà, avant même que d'ouvrir l'ouvrage, que l'aventure de sa lecture est déjà commencée. Ce n'est d'ailleurs pas sans raison qu'à plusieurs reprises Marc Pessin s'est vu attribuer le prix du "plus beau livre de l'année"
.