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Marc Pessin, ou le perpétuel éloge de la main

« Ecrire me permet de garder le mouvement d'une pensée et une trace de ma main.(…) L'ensemble devient un objet qui renvoie à ma personne. »
« Je suis un calligraphe ; je fais de la poésie, mais je ne suis pas poète. Je suis un graveur de mon siècle et mon œuvre est le sismographe de moi-même. »

Marc Pessin

« A bien y regarder… l'œuvre de Marc Pessin se place, de telle ou d'autre sorte, sous le signe de l'écriture. Nul plus que lui à l'évidence, nous fait souvenir que la racine du verbe "écrire", étymologiquement, signifie gratter, inciser. »

Jean Burgos

L'écriture est sans doute le fil conducteur de l'œuvre de Marc Pessin.

Dès 1954, Marc Pessin, isolé, entreprend d'écrire des lettres à ses amis ; cette chaîne d'amitié fait boule de neige et il a aujourd'hui un réseau de 480 correspondants, pas forcément artistes, avec lesquels il échange des enveloppes décorées. Cette collection d'art postal, aujourd'hui riche de 10 800 enveloppes (de véritables œuvres d'art) a été exposée au Musée de la Poste à Paris, à Albertville, à Grenoble.

"C'est de personnes les plus étrangères au milieu artistique socialement et mentalement que j'ai reçu les plus beaux courriers.
Écrire était pour moi un acte de transmission, un axe de transmission.
Écrire m'apparaissait comme une source providentielle miraculeusement appropriée à la situation mentale et matérielle dans laquelle je me trouvais.
Pour exister, il me fallait trouver l'ordre des choses et des mots en y insérant mon nom, ma marque.
La correspondance révèle la vérité des êtres, écrire s'apparente à une contemplation.
La lettre incarne l'esprit immatériel que les hommes se transmettent sans altération. Elle est en quelque sorte un sismographe de nous-même.
Lorsque nous écrivons nous pensons avec nos mains parce que l'écriture est un miroir intérieur qui prend la mesure de la vie."

Son amour de l'écrit l'amène également à travailler avec des poètes, à transcrire en signes gravés leurs textes.

Marc Pessin : la lumière ou la respiration des écritures (extrait) Pierre Dhainaut

(…) "Parallèlement aux éditions, naturellement, il y a les manuscrits, plusieurs centaines, à un ou deux exemplaires, de tous formats. Marc Pessin invite les poètes à recopier leurs textes sur des feuilles qu'il a préparées à cet usage voir un exemple, certaines enrichies déjà par les empreintes (…) il multiplie les gravures, encres, peintures ou collages (…).
Marc Pessin ou le perpétuel éloge de la main. Il ne pouvait pas ne pas avoir ce projet de collaborer avec les poètes dans l'espace vivant du manuscrit : à l'époque des machines, le graveur est l'homme de l'immémoriale inscription, et l'inscription du poème, où chaque mot compte, chaque syllabe, le moindre blanc, où le langage se resserre afin de s'épanouir, est proche de l'inscription de la gravure. De même, Marc Pessin ne pouvait pas ne pas devenir calligraphe (quel poète n'a pas rêvé de l'être) ; cette activité qui de plus en plus le sollicite n'est-elle pas la fusion de toutes les autres, le verbe et l'empreinte non plus associés, mais réunis ? Marc Pessin se tourne en particulier vers l'Iran. Comme le chant que soulève et prolonge la flûte, la calligraphie n'est pas ornement, elle est la lumière des mots, elle est leur respiration jusqu'au silence."

Marc Pessin a réalisé environ 400 ouvrages à partir de manuscrits autographes, généralement tirés à quatre exemplaires, pour lui, le poète , les archives et l'exposition : "Il n'y a pas de vilaines écritures, de vilaines signatures, il n'y a rien de plus émouvant que l'écriture manuscrite d'un poète. Nombreux sont les poètes qui se sont livrés à ce jeu de l'intime et du dévoilement : René Char, Tahar Ben Jelloun, Andrée Chedid, Michel Butor, Miguel Angel Asturias, Jean-Pierre Chambon voir un exemple … Marc Pessin possède une trentaine d'ouvrages calligraphiés par Jean-Claude Renard.

Marc Pessin est fasciné par la mécanique des fluides dont il s'inspire pour illustrer Le siècle et l'espace, un recueil de poèmes de Georges-Emmanuel Clancier.

Stéphanie Durand-Gallet in Arts et Metiers du Livre

"Poétique la mécanique des fluides ? Il n'y a rien de plus poétique ! Il s'agit d'étudier l'impact des ondes – quoi de plus poétique qu'une onde ? – créées sur l'eau par la projection d'aiguilles en bronze, sur les coques des bateaux ou des sous-marins.(…) Marc Pessin traite la forme géométrique et la ligne comme une sorte de déité capable de donner du monde et de la matière des lois toujours nouvelles : oui des lois vertigineuses (…). Qu'on y regarde de plus près, et on découvrira dans ce jeu des sphères et des masses un humour engageant et comme dévastateur. Marc Pessin est un virtuose, qui sait donner de l'inquiétude à l'abstraction."

Ces figures symétriques, remarquablement esthétiques, se retrouvent dans les admirables calligrammes qu'il a réalisés à partir des textes de Marguerite Yourcenar, Michel Butor, Jean Burgos, Léopold Sedar Senghor, Pierre Seghers, Michel Bernard…voir un exemple

"Votre calligramme d'Anna Soror est admirable, cette onde d'or sur fond de pourpre me semble traduire merveilleusement les mouvements du cœur." (Marguerite Yourcenar)

Le génie des rencontres Sylvie Fabre-G.

"Il racontait comment d'instinct, sa main avait parfaitement maîtrisé la calligraphie. Son enfance s'était passée à recopier les lettres des divers alphabets, et il avait ainsi acquis la puissance créatrice de chaque langue, pénétrant son essence par le geste. Il s'était exercé avec patience à ressembler au scribe plus profond que le ciel et la terre dont parle Champollion."

Sa fascination pour l'écriture, les signes, va jusqu'à lui faire inventer un nouvel alphabet "le pessinois" avec lequel il traduit des œuvres entières (comme la Bibliothèque de Babel de Borges). Lui seul peut l'écrire, lui seul peut le traduire.
Cet alphabet est d'une beauté plastique inouïe, à la fois signe et création plastique.
De nombreuses œuvres seront recouvertes, gravées par ce langage plastique et mythique.

Lettre au bibliotaure (extrait) Pierre Péju.

"Au fond tu n'as peut être jamais fait que forger, mais avec quelle finesse, avec quelles sûreté de trait et sûreté d'esprit, un "alphabet" un peu fou mais titanesque, permettant de former des milliards de mots. Un alphabet d'alphabets...voir un exemple
Au commencement, il y a ton attirance enthousiaste pour les formes, surtout les formes les plus abstraites. Ta sensibilité à la beauté d'une courbe, d'une ligne toute simple qui s'incurve, se tord, se retourne sur elle-même, s'amplifie, se délie, s'épaissit, devient aussi mince qu'un long cheveu, se fait volute, boucle, nervure. Ta faculté de capter, partout, dans l'air et dans les choses, le point de départ de toutes les lignes comme de microscopiques apparitions. Tes doigts sont les serviteurs des courbes. Et lorsque tu t'empares de ces amples et vibrantes feuilles de vélin d'Arches, tes mains soignées sont les servantes de toutes les écritures du monde."

Marc Pessin ou l'univers des signes Jean Burgos

"Sera-t-on surpris désormais, si l'œuvre de Marc Pessin, si bien située au carrefour de deux mondes – l'un plongeant ses racines au plus profond de son créateur et l'autre se nourrissant d'un environnement qui imprime en force ses marques –, ne donne pas à reconnaître quoi que ce soit mais donne à connaître, peut-être aussi à se connaître ? Car les formes et les forces émanant de ces deux mondes venant à se conjuguer, c'est un monde vraiment nouveau qui est ainsi engendré, un monde qu'il serait vain de rapporter à ce que l'on connaît déjà. Rien à quoi se raccrocher, en effet : ni figurations qu'on pourrait identifier, ni évocation de formes rassurantes, ni jeux de couleurs propres à remplacer librement figures et formes, ni même transposition de quelque expression ou de quelque impression dominante. Rien de connu ou qui puisse du moins se rapprocher de quelque chose de connu ; tout reste à découvrir. Sans doute est-ce par là que l'œuvre de Marc Pessin se fait poésie au sens où l'entendait Saint-John Perse : non point art d'embaumeur ni de décorateur, mais bien puissance et novation qui déplacent les bornes…
Les chemins qui sont les siens, au reste, ne sont pas chemins de nulle part. Et il se pourrait bien que, déréglant le temps des horloges, ils nous emmènent loin, bien loin de toute finitude. De l'aventure qu'ils ne cessent de nous proposer, balisée de tant et tant de signes, peut-être ne reviendrons-nous pas meilleurs et plus sages, comme l'eût souhaité le philosophe, mais à coup sûr – et c'est merveille – plus tout à fait les mêmes."