Combien de Roannais ont dans leur album de famille des photographies Dessendier ? Le plus important studio de photographie de Roanne est bien celui-ci, il fut en activité de 1886 à 1931. Au-delà de l’intérêt pour cette enseigne roannaise prestigieuse et productive, c’est avant tout un exemple significatif de l’essor de la photographie et des hommes qui firent avancer sa production.
Emile Dessendier, à l’origine de ce studio, appartient à cette famille de photographes inventeurs, en recherche constante d’amélioration technique. Il mène de front l’essor de son activité commerciale et ses recherches techniques, en véritable entrepreneur.
La Grande Photographie Générale Dessendier produit presque exclusivement des portraits, de la simple photo-carte au portrait grandeur nature largement retouché. Son succès est indéniablement lié au développement et à la démocratisation du portrait photographique, sous forme de tirage au charbon.
Il naît le 16 mars 1855 dans la Loire à Croix-Pellussin, d’un père négociant en vin et d’une mère commerçante assez fortunée. Il étudie chez les Lazaristes et fait preuve très tôt de qualités scientifiques, en particulier en chimie, domaine d’élection d’un futur photographe. Il publiera en 1884 un essai sur le choléra.
A 17 ans il est déjà passionné par la photographie et son avenir professionnel semble bien déterminé.
Incorporé en 1875 pour son service militaire, il est déjà photographe. Il quitte l’armée en 1883 et installe un premier commerce en Avignon, La Grande photographie générale, atelier où il pratique la photographie et la peinture. La majorité des photographes avaient alors souvent recours à la peinture pour des opérations de retouches.
En 1884 il élargit son activité et ouvre un deuxième commerce à Paris au 235 boulevard Voltaire.
Son activité roannaise semble débuter dans ces mêmes années où il opère d’abord dans un atelier de voyage, pratique courante à cette époque dans les villes de province.
En 1886, il se fixe définitivement à Roanne, au 82 rue Nationale.
Ces années sont également marquées par les nombreuses recherches techniques qu’il engage pour améliorer sa production. Déjà en germe depuis quelques années, il peut enfin à Roanne réaliser les dispositifs techniques qu’il a conçus et passer du stade du projet au prototype.
Après s’être adressé à divers ingénieurs et maisons de construction en France et à l’étranger, sans résultat, il se voit dans l’obligation de construire lui-même ses appareils chez lui, avec le concours dévoué d’un employé. Début 1889, son photomètre enregistreur, dispositif permettant de mesurer l’intensité de la lumière, et une machine pour le tirage automatique des épreuves photographiques au charbon intégrant le photomètre, sont enfin prêts.
Ils les présentent d’abord à un petit comité roannais, avant de les exposer à l’Exposition Universelle de 1889, où il sera récompensé par une médaille de bronze et une mention très honorable.
Les récompenses qu’il reçoit l’incitent à multiplier les brevets de ces inventions et à les déposer dans de nombreux pays – Allemagne, Autriche, Etats-Unis, Russie, Angleterre, Belgique et Luxembourg.
Emile Dessendier semble être le photographe de ces classes sociales aisées : industriels et commerçants, de cette notabilité roannaise liée à l’essor de l’industrie, en recherche de reconnaissance sociale. C’est à lui que l’on commande les galeries de portraits officiels, telles celles des donateurs de l’Hôpital de Roanne ou des différents présidents de la Chambre de Commerce en 1908.
C’est chez lui que l’on vient aussi pour fixer les moments forts du temps social ou faire un portrait convenu qui participera à son affirmation sociale.
Sa production, quasi industrielle, constitue aujourd’hui une véritable galerie des Roannais sous la IIIème République.
A partir de 1910, Emile laisse petit à petit l’entreprise à ses deux fils, pour se consacrer à ses recherches, dans le désir d’améliorer son photomètre. Il n’aura pas le temps d’aboutir, la mort l’emportant le 3 mai 1912, à l’âge de 57 ans.