Le 17 avril 1827 naît Etienne Geoffray, fils d’Antoine Geoffray, confiseur à Roanne, et de son épouse Claudine Julie Chavallard. Il prendra plus tard le prénom de Stéphane.
De ses années d’apprentissage, nous ne savons rien. Il sera avocat à Roanne et banquier à Charlieu.
Il est le type même de ces érudits du 19ème siècle passionné d’histoire, d’histoire de l’art, et plus particulièrement d’histoire locale donc d’archéologie, de sigillographie, d’héraldique. Il est chimiste à ses heures et s’intéresse à toutes ces nouvelles inventions qui permettent de porter témoignage, d’inventorier, de collectionner, comme il le sera tout autant pour celles qui peuvent transmettre à autrui le travail de recherche.
Vraisemblablement autodidacte, il est passionné par les travaux de Gustave Le Gray, inventeur du procédé sur papier ciré sec mis au point en 1850. Dès 1852, Stéphane Geoffray étudie la cire et plus particulièrement l’un des ses constituants, la céroléine, qui a la propriété de rendre le papier particulièrement translucide : ce sont alors ses premiers essais en photographie. Le 24 mars 1854, il envoie un article dans la revue de photographie Cosmos, Nouvelle méthode pour papier humide ou sec. Le Gray reconnaît l’intérêt du procédé dans l’article du 24 juin de la revue La Lumière, et en mai 1855, Geoffray publie son Traité pratique pour l’emploi des papiers de commerce en photographie. Une deuxième partie Traité pratique pour l’emploi des solutions de céroléine et de cire à la benzine en photographie est annoncée, mais vraisemblablement jamais parue. Ses autres travaux porteront sur l’emploi du cyanure d’iode comme sensibilisateur du collodion (1855), et l’adaptation de celui-ci au papier (1856). Ces calotypes au collodion seront utilisés pour fixer l’image du couvent de Charlieu.
Le 20 avril 1855, il devient membre de la Société Française de Photographie (SFP). Il participe à l’exposition universelle du 1er août au 15 novembre 1855 et reçoit une médaille. Puis il collabore au 1er Salon de la SFP. En 1856, il expose à Bruxelles 4 épreuves obtenues par le procédé à la céroléine : il obtient une mention honorable.
Vers 1855-1860, il entreprend de photographier la ville de Charlieu. L’ombre de la mission héliographique, à laquelle son ami et rival Le Gray participe, plane sur le travail de Geoffray. Son intention est résolument documentaire : tous les monuments, toutes les rues de Charlieu sont ainsi systématiquement photographiées. Il entreprend de prendre des vues de la ville du haut de la Tour Philippe-Auguste (on peut imaginer la difficulté quand il fallait hisser une chambre photographique en haut d’une tour) et s’essaie ainsi à un nouveau genre photographique, le panorama.
Il réitère l’expérience avec la petite commune de Vougy.
Enfin, c’est au tour de Roanne. Cette fois, c’est au sommet de la tour de l’Eglise Saint-Etienne qu’il installe son matériel pour photographier la ville « vue des toits ». Puis ce sont, comme à Charlieu, toutes les rues qui sont alors véritablement inventoriées, quartier par quartier.
Geoffray réalise ses calotypes mais son emploi du temps chargé ne lui permet pas d’en faire des images positives au papier salé. Il écrit ainsi à Martin Laulerie, secrétaire général de la Société Française de Photographie, le 29 avril 1857, dans une lettre adressée de Charlieu : « … je vous prie seulement de me conserver les négatifs avec soin car ils reproduisent tous des sujets détruits et auxquels se rattachent soit des souvenirs particuliers soit des souvenirs historiques. Ils font d’ailleurs partie d’une collection que je veux compléter […] Je voudrais bien vous envoyer des positives, mais vraiment le temps me manque pour m’occuper d’une manière suffisante des travaux pratiques ; les affaires me préoccupent assez pour m’obliger à laisser mon laboratoire. Mes loisirs sont très courts et je les emploie à augmenter le nombre de mes négatifs ».
On ne peut malheureusement identifier l’auteur des tirages positifs sur papier albuminé réalisés vers 1870. L’ensemble de ce corpus conservé à la médiathèque de Roanne, don de M. Varinard des Côtes en 1957, ne compte pas moins de 33 tirages sur Vougy, 741 tirages sur Charlieu et 758 tirages sur Roanne. De qualité moyenne, ils offrent néanmoins un témoignage exceptionnel de ces villes qui bientôt se transformeront pour les besoins liés à l’essor industriel du Second Empire
Geoffray, souhaitant vraisemblablement commercialiser ses clichés, fait paraître une petite annonce dans le Forez illustré du 19 avril 1874 : « Nous annonçons avec plaisir un grand choix de vues photographiques du département de la Loire, de tous formats, à 1 fr et au-dessus. Iconographie complète de Roanne, Charlieu, Renaison, Perreux, La Bâtie, Vougy, Boisy, etc., etc. Vues d’ensemble et de détail, pittoresques et archéologiques. S’adresser à l’Imprimerie Roannaise ou chez Monsieur Goeffray, rue des Bourrassières à Roanne. »
Outre les collections privées, ses négatifs sont présents dans les collections du Musée d’Orsay, de la Bibliothèque nationale de France, de la Société Française de Photographie et du Musée Nicéphore Niepce de Chalon-sur-Saône.
Le Forez illustré voit le jour dès le début de l’année 1874.
La revue paraît d’abord, le jeudi et le dimanche, sous le titre Roanne spectacle, du 15 février 1874 (n°1) au 12 mars 1874 (n° 7).
Chaque numéro présente le portrait d’un artiste, accompagné d’une épreuve sur papier albuminé, de petit format, en première page : elle est toujours signée « phot. Geoffray ». Ce seront ses seuls portraits connus.
Puis la revue, sous l’égide de son rédacteur en chef A. de Martonne, prend le nom de Forez illustré : revue pittoresque et archéologique et s’oriente résolument vers l’histoire locale, l’archéologie et les beaux-arts de la région, agrémentée de biographies de personnages célèbres et de bibliographies. Il paraît le dimanche, du 22 mars 1874 au 26 décembre 1875.
Pour certains numéros, Geoffray rédige une courte notice historique, commentaire de la photographie, dans une rubrique intitulée « Notre photographie ». Plus rarement, il collabore à l’écriture d’articles, comme, par exemple, celui qu’il consacre à l’inauguration de l’Hôtel de Ville de Roanne en 1875, ou à l’Ecole d’Horticulture. Il est intéressant de noter qu’il n’hésite pas à réaliser spécialement des photographies pour ces articles. Pour l’intégrer à la page imprimée, il n’y a alors pas d’autres solutions que de découper l’épreuve photographique et de la contre-coller sur la feuille, et ceci pour chaque exemplaire. C’est la raison pour laquelle sur certains exemplaires d’un même numéro, les dimensions et le découpage de l’épreuve sont différents. Parfois, c’est la prise de vue qui est différente d’un exemplaire à l’autre.
Ces difficultés, en temps et en coûts, orientent tout naturellement Geoffray vers un procédé d’impression photomécanique combinant la netteté et la véracité du cliché photographique à la facilité d’impression par encrage de la gravure. A partir du 7ème numéro de 1875, Geoffray remplace la photographie par l’héliotypie, ou phototypie, procédé mis au point par Poitevin en 1855.
Sa collaboration à la revue est capitale. Cette expérience confirme en effet son intérêt pour l’histoire et la nécessité de diffuser ses recherches. La photographie, alliée à l’imprimerie, lui apparaît comme le meilleur moyen de diffusion. Il décide de s’établir à Paris et de se consacrer à l’édition et à l’impression photomécanique.
A l’été 1875, il s’installe donc à Paris avec sa femme et son fils (qui travaillera un temps avec lui). Il écrit le 17 septembre une lettre au Ministère de l’Intérieur « […] j’ai l’honneur de vous informer que j’ai acquis pour les établir chez moi rue d’Enfer 40 à Paris deux presses à satiner les épreuves photographiques et une presse lithographique petit modèle pour étudier la photo-lithographie ». Pour la première fois, la signature de sa lettre s’accompagne de la mention « amateur photographe ». Geoffray a donc bien abandonné définitivement ses professions d’avocat et de banquier.
Une « Société iconographique » est créée constituée de Stéphane Geoffray, alors 92 boulevard Port-Royal, associé à Fleury-Hermagis, opticien 18 rue Rambuteau, et à Firmin Julien Delangle, artiste peintre 86 rue Notre-Dame-des-Victoires. Mais l’entente ne se fait pas et la société est dissoute le 23 mars 1878.
De 1879 à 1881 il publie Iconographie des départements (Loire) sous la signature « Geoffray et Cie, 15 rue Campagne Première » (certaines planches sont signées F. Geoffray : pour Félix, son fils ?), et en 1880 Les Maîtres graveurs, peintres, sculpteurs de tous les pays, de toutes les époques.
Il n’abandonne pas pour autant la photographie et en 1880, il collabore à une éphémère revue, (elle n’aura que 4 numéros) Le monde des sciences appliquées aux arts et à l’industrie : il s’occupe des rubriques « revue photographique » et « mouvement scientifique en province ». Le 14 décembre 1881, il est accepté comme membre de la Chambre syndicale de la Photographie.
Puis il envisage à nouveau la formation d’une autre société, constituée des mêmes membres, pour l’édition de L’œuvre complète de Rembrandt, en héliogravure. L’association n’a pas plus de succès que la première tentative, elle est finalement dissoute. En 1891, il publie Répertoire des sceaux des villes françaises. En 1894 il s’associe à l’imprimeur Le Vasseur pour publier le Répertoire des procès-verbaux des preuves de la noblesse des jeunes gentilshommes admis aux écoles militaires royale 1751-1797.
Après la mort prématurée de son unique enfant le 15 novembre 1895, nous perdons la trace de Stéphane Geoffray, l’un des grands maîtres du négatif sur papier, qui n’a pas encore trouvé sa vraie place dans l’histoire de la photographie.