La France découvre la Savoie

Récits de voyage dans les Etats sardes

A l’époque romantique, la montagne et la Savoie sont à la mode. Intrépides alpinistes ou curistes, amoureux des paysages splendides, curieux voyageurs ou aventuriers, les écrivains, dans le sillage de Rousseau et Lamartine, voyagent et écrivent leurs impressions. Le récit de voyage qui se développe à la fin du XVIIIe siècle devient ainsi un genre littéraire à part entière au XIXe siècle.

Voici quelques extraits de ces nombreux récits de voyage dans les Etats sardes.

Parmi tous ces écrivains, Chateaubriand semble bien isolé dans ses positions de mépris vis-à-vis des montagnes, peut-être en réaction à Rousseau. Il traverse deux fois la Savoie en 1803 et 1805 et raconte dans deux récits les excursions qui l’ont mené de Chambéry au Mont Cenis et de Chamonix à la Mer de glace : Voyage au Mont-Blanc (1806) et Voyage en Italie (1827). Outre, la « fatigue » que représente l’effort des randonnées, outre ces montagnes qui « obstruent la plus grande partie du ciel », il est frappé par la pauvreté et la solitude des Savoyards :

« Le pin annonce la solitude et l’indigence de la montagne. Il est le compagnon du pauvre Savoyard, dont il partage la destinée : comme lui, il croît et meurt inconnu sur des sommets inaccessibles, où sa postérité se perpétue également ignorée. » (Voyage au Mont-Blanc)

Lamartine effectue à plusieurs reprises, de 1811 à 1830, de fréquents séjours en Savoie, à Chambéry, chez son condisciple Louis de Vignet (1811), à Nernier, au bord du lac Léman (1815), à Bissy, près de Chambéry (1815 et 1817) et surtout à Aix-les-Bains, où il rencontre une belle jeune femme, également malade, Julie Charles (1816 et 1817). Le Lac du Bourget et la vallée de Chambéry ont fourni au poète de précieuses inspirations romanesques et poétiques : pas de récits de voyage mais ces quelques vers extraits d’un poème désormais célèbre, qui évoque le souvenir de Julie, morte en 1817 :

« Ô lac ! rochers muets ! grottes ! forêt obscure !
Vous, que le temps épargne ou qu’il peut rajeunir,
Gardez de cette nuit, gardez, belle nature,
Au moins le souvenir ! »

Lorsque Stendhal voyage dans le duché de Savoie, il a 54 ans et écrit alors Mémoires d’un touriste. Aux côtés de réflexions d’ordre politique, il disserte sur la beauté des femmes aixoises et la qualité des dîners chambériens :

« Le bal de ce soir a été charmant ; les femmes du pays, d’une fraîcheur ravissante, ont un naturel qui enchante dès l’abord, et dont à force d’art, on approche parfois à Paris dans la très bonne société. »

Ou encore :

« Je trouve qu’on dîne fort bien à Chambéry ; incomparablement mieux qu’à Grenoble »

Du duché de Savoie et du Mont-Blanc, Victor Hugo et Charles Nodier gardent comme trace l’idée d’un ouvrage qui ne verra jamais le jour : Voyage pittoresque et poétique au Mont-Blanc et à la vallée de Chamonix. Le 29 mai 1825, à l’occasion du sacre de Charles X, ils se rendent à Reims où les attendait Lamartine. Ce dernier les invite dans son château de Saint-Point, près de Mâcon, les deux amis en profitent pour visiter les Alpes. Ils découvrent ainsi la Savoie en août 1825, accompagnés de leurs femmes et de leurs filles. Le voyage devait initialement aboutir en Suisse en passant par le Mont-Blanc. Nodier raconte leur excursion dans la Revue des deux Mondes de François Buloz en 1831, dans un article intitulé Le Mont Saint Bernardi, et Victor Hugo dans Fragments d’un voyage aux Alpes :

« Les vallées des Alpes ont cela de remarquable, qu’elles sont en quelque sorte complètes. Chacune d’elles présente, souvent dans l’espace le plus borné, une espèce d’univers à part. Elles ont toutes leur aspect, leur forme, leur lumière, leurs bruits particuliers. On pourrait presque toujours résumer d’un mot l’effet général de leur physionomie. La vallée de Sallenches est un théâtre ; la vallée de Servoz est un tombeau ; la vallée de Chamonix est un temple. »

Alexandre Dumas père, déclaré mort sur les barricades par la presse de 1832, quitte Paris pour la Suisse après avoir échappé à une épidémie de choléra. Sac au dos et bâton à la main, Dumas et son guide parcourent la montagne de Chamonix à Martigny. Il raconte son périple dans Impressions de voyage en Suisse avec beaucoup d’anecdotes et d’humour. Il laissera un souvenir impérissable en Savoie, seul écrivain français à avoir en effet mis feu à la Dent du Chat, lors d’une excursion nocturne en compagnie de joyeux lurons fortement avinés ! Il aura l’interdiction de remettre les pieds dans les Etats sardes pendant 7 ans. Le feu durera 3 jours.

En 1836, George Sand vient de divorcer et voyage de Savoie en Suisse avec ses deux enfants et leur bonne pour rejoindre Franz Listz qui séjourne dans une auberge à Chamonix. Adolphe Pictet doit les rejoindre. Elle vient également à Chambéry et Aix-les-Bains en 1861 rendre visite à son éditeur François Buloz, qui possède une maison à Ronjoux, hameau de la Motte-Servolex. Elle effectue l’inévitable pèlerinage aux Charmettes, dont elle rapporte ces impressions dans Carnets de voyage :

« Voyageurs, allez aux Charmettes, n’écrivez rien sur le livret. Cueillez un brin de pervenche, et ne voyez là que les ombres de Jean-Jacques et de la belle Louise, se promenant en tête-à-tête dans un des plus beaux pays du monde… Le paradis terrestre de la vallée de Chambéry me reste dans la tête comme un rêve. » (Carnet de voyage, 1861)
Châtillon et le lac du Bourget, 1864

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