La presse satirique en France

L'héritage de la satire s'est construit dans les milieux littéraires. Une satura en latin désigne un mélange, faisant référence à ces pièces de théâtre antiques (du 3e siècle avant J.C. au 5e siècle après J.C.) mêlant vers et proses, dont le sujet principal était la société et ses mœurs. De là, la presse humoristique et satirique a fait de ce ton mordant, piquant et parfois même dérangeant son fer de lance, quitte à accumuler les procès en tous genres. 

Les objectifs sont doubles : provoquer le rire chez le lecteur, et moquer les grands de ce monde, les mœurs de la société, ainsi que les grands journaux appartenant, dit-on, à "la grande presse", souvent modérée, écrite par et pour les notables de l'époque. Les messages satiriques passent le plus souvent par des critiques virulentes et souvent subtiles :

  • des jeux de mot, charades, rébus
  • des historiettes au caractère décalé
  • des chansons et poèmes, dont le sens reste obscur pour certains
  • des caricatures sous forme textuelle, mais surtout illustrée, devenant ainsi le support privilégié. L'on voit alors se multiplier la pratique des lithographies (gravures sur pierre) dans les journaux de l'époque.
Vous avez sûrement en tête cette célèbre caricature : Les Poires, du lyonnais Charles Philipon (retrouvez le brouillon croqué à l'audience de la Cour d'Assises sur Numelyo - nouvel onglet) datée du 14 novembre 1831, symbolisant le roi Louis-Philippe 1er, et parue dans les feuilles du Charivari.
 

La Savoie, friande de satire

  • Le Chat. Journal du dimanche puis Le Chat des Alpes (nouvel onglet), sera le premier journal satirique des États sardes, et le premier également à insérer une lithographie dans chacun de ses numéros. Le numéro 1 sortira le 20 août 1848. Cette parution fera écho au contexte politique puisque le Piémont obtiendra, par son roi Charles-Albert, un statut constitutionnel en mars 1848. Des élections transformeront donc le paysage politique en implantant une nouvelle classe, plus démocrate et libérale. Le Chat permettra de contredire les élites savoyardes trop traditionnelles, et donnera un nouveau souffle pro-français aux États. Le journal se démarquera alors, en critiquant plusieurs événements, comme la guerre menée aux troupes autrichiennes. 
  • Dans son sillage, L'Abeille Savoisienne (nouvel onglet), sous l'apparente volonté de ne parler que de littérature, de beaux-arts et d'industrie, se pliera également au jeu des critiques des périodiques plus classiques. Ses piqûres seront aussi aiguisées que les coups de griffes de son compatriote félin.
  • La Mouche (nouvel onglet) prendra le relais de l'Abeille, déchue par disgrâce et procès. Son public visé sera surtout les femmes : "notre feuille s'adresse plus particulièrement à une classe de lecteurs que la politique touche peu, et que nos confrères ont beaucoup trop négligée jusqu'ici." (consultez l'article cité - nouvel onglet). Mode, secrets de beauté, causeries, beaux-arts, autant de sujets permettant l'allégorie et la critique insidieuse de la société.
  • Le Carillon (nouvel onglet), jouera une musique quelque peu conservatrice, mais emploiera comme ses confrères les mêmes mécanismes satiriques.
  • L'Arrosoir arrosant Chambéry à l'improviste (nouvel onglet), quant à lui, apportera abondamment de l'eau au moulin des satires. Joyeux, léger, virevoltant et acerbe, il usera à l'infini des allégories, bons mots, charades politiques et lithographies caricaturales. 
L'Arrosoir du 15 janvier 1884
L'Arrosoir du 15 janvier 1884
 

Une liberté de la presse fragile

Riche par son histoire, la Savoie rend légitime la satire, et en use avec férocité dans sa presse. Qu'elles soient à destination des opposants au Roi du Piémont ou à la République française, aux femmes ou aux chats, les feuilles de ces journaux sont les témoins d'un temps où la liberté de la presse balbutiait et où la censure revenait sans cesse museler les penseurs au gré des événements politiques (Monarchie de Juillet en 1835, République, Second Empire, guerre du Piémont contre les troupes autrichiennes...). La loi accordant la liberté de la presse est enfin promulguée le 29 juillet 1881

Dans toute la France, et à partir du milieu du 19e siècle, jusqu'à aujourd'hui, critiquer et se moquer par le rire, les bons mots ou des caricatures, participe à cette recherche d'identité et cette affirmation des idées.  L'héritage du siècle des Lumières est encore bien présent et se traduit ainsi par la presse satirique. 
 

Quelques textes officiels fondamentaux pour aller plus loin 

Retrouvez la presse ancienne régionale, patrimoine écrit d'une très grande richesse, dans les collections de la presse ancienne numérisée sur le portail Lectura Plus (nouvel onglet) :  vos ancêtres y sont peut-être cités, des faits divers croustillants y sont reportés, des caricatures sont à consulter ! Et plus encore...